En 2016, le FeliX Art & Eco Museum a organisé une exposition autour du graphisme abstrait dans l’œuvre de Victor Delhez (1902 – 1985). À l’époque, les images présentées dans l’exposition actuelle étaient considérées comme perdues. Les 21 œuvres exposées aujourd’hui représentent sans aucun doute seulement la partie émergente de l’iceberg, car c’est avec 55 photographies expérimentales présentées au cercle artistique « Los amigos del arte » en août 1929 que Victor Delhez a connu le succès artistique. Avec cette première exposition, Delhez marque un précédent historique dans la photographie moderne, tant pour l’Argentine que pour la Belgique. L’objectif de l’exposition actuelle est de remettre cette trouvaille dans le contexte de l’évolution de la photographie expérimentale.
Ces expérimentations photographiques de Victor Delhez (1902 – 1985) reflètent l’esthétique avant-garde de ses contemporains, influencés par la culture visuelle de l’Europe de l’entre-deux-guerres.
Il n’est pas surprenant que Delhez se soit également tourné temporairement vers la photographie en tant que graphiste. À l’époque, la photographie connaît une seconde jeunesse. Les photographes modernes souhaitent rompre avec le mouvement pictorialiste alors en vogue. Ils ont fait de la photographie un médium qui laissait à nouveau libre cours à l’expérimentation libre.
Cette exposition est organisée en collaboration avec :
Victor Delhez (Anvers, 1902 – Argentine, 1985) est considéré comme l’un des plus importants graveurs du modernisme abstrait en Belgique. Grand ami de Michel Seuphor, il commence par des gravures expressionnistes publiées dans les premiers numéros de Het Overzicht. Vers 1923, il évolue vers l’abstraction, mais poursuit son œuvre dans un style réaliste magique à partir de son départ pour l’Argentine en 1925. Durant cette période, il expérimente également la photographie, qui est le point de départ de cette exposition.
Les pictorialistes avaient une nette préférence pour les paysages idylliques et les scènes historiques. Les photographes modernes se sont radicalement opposés à cette tendance et ont focalisé leur objectif sur la vie urbaine, vivante et dynamique. Pas de nostalgie ni de romantisme, mais une photographie engagée dans un zeitgeist en constante évolution.
Ils ont redécouvert et réévalué des pratiques photographiques « marginales », telles que la photographie amateur ou scientifique, et se sont appuyés sur leur inventivité formelle pour donner un nouvel élan au médium. Leur style photographique novateur et iconoclaste prend forme dans des expériences optiques et chimiques.
Cette exposition revient sur les expérimentations de la photographie dans l’entre-deux-guerres réalisées par Victor Delhez et d’autres artistes modernes. Elle montre également comment des artistes plus contemporains continuent d’explorer eux aussi le large éventail de techniques photographiques.
Pendant l’entre-deux-guerres, la photographie a exploré de nouvelles possibilités et innovations. Des aspects inhabituels du regard photographique ont été adoptés. La photographie moderne est donc connue pour ses approches novatrices et ses inspirations surprenantes.
Vers 1890, l’émergence de la photographie instantanée a entraîné un changement radical. Grâce à l’introduction d’appareils photo abordables et à l’externalisation des processus techniques, les gens pouvaient prendre des photos sans avoir besoin d’une formation approfondie. Le slogan de Kodak « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste » en est l’illustration. Un style brut et intuitif a rompu avec les règles formelles de la photographie de la fin du XIXe siècle et a inspiré les photographes modernes par la beauté inattendue d’images non polies.
La photographie fonctionnelle a également eu une influence indéniable. Les images sont abordées de manière impersonnelle.
Les photographies aériennes militaires de la Première Guerre mondiale montrent une vue d’ensemble désorientée du paysage. Le monde est réduit à un modèle abstrait de lignes et de plans. Ces photographies nécessitaient une interprétation intense et reflétaient la fascination des photographes modernes pour la rupture avec les perspectives traditionnelles. Ce phénomène se retrouve également dans la photographie scientifique. Des pionniers tels que Muybridge et Marey ont permis d’analyser les mouvements d’une manière inédite, révélant une réalité souvent invisible qui intriguait à la fois le spectateur et le photographe.
La photographie est essentiellement un processus chimique. Aucune photographie n’est possible sans une substance qui change sous l’influence de la lumière et sans un cocktail chimique qui peut arrêter et fixer ce processus. Alors que le système optique se manifeste clairement à l’extérieur de l’appareil photo sous la forme d’une lentille saillante, le processus chimique est caché dans l’intérieur sombre de l’appareil photo et dans la chambre noire dans laquelle le photographe convertit le négatif en positif.
Les photographes modernes expérimentent abondamment les processus chimiques de développement, de fixation et d’impression. Certains choisissent de ne pas développer le négatif en positif. D’autres jouent avec des techniques spéciales comme le brûlage et la solarisation, qui créent toutes deux des images aliénantes, une réalité différente.
La technique photographique la plus ancienne, le photogramme, continue de capter l’imagination des photographes modernes. L’approche sans appareil photo permet de créer des images qui consistent en une simple disposition de la lumière et de l’ombre sur du papier sensible à la lumière. La photographie devient ainsi un instrument qui ne reproduit pas le monde, mais en crée plutôt un nouveau à partir de la lumière pure.
L’appareil photo enferme le monde dans un cadre rectangulaire. Ce cadre trace une frontière absolue entre l’intérieur et l’extérieur, entre ce qui est visible et ce qui restera à jamais invisible.
Les photographes modernes aiment jouer avec cette limite. Les cadres se resserrent autour du sujet. Un détail s’illumine. Grâce aux miroirs et aux reflets, la gauche et la droite, l’avant et l’arrière se confondent, l’espace devient ambigu.
Les appareils légers et portables, comme le Leica de 1925, libèrent le photographe du trépied. L’appareil photo et le corps mobile du photographe se confondent. Des perspectives nouvelles et dynamiques sont possibles, depuis celle de l’oiseau à celle de la grenouille. Ils s’inspirent également de la photographie scientifique et utilisent des techniques telles que l’agrandissement et la double exposition pour capturer le sens moderne de l’accélération urbaine.
Les images photographiques rectangulaires ont toujours une direction : verticale ou horizontale. Dans son livre de photos « 100 X Paris », Germaine Krull surpasse ces possibilités et crée une nouvelle expérience urbaine en photographiant depuis sa voiture. Chaque photographie au plan incliné, un coup de volant.
Victor Delhez, Bernice Abbot, Anne Biermann, Eugène Atget, Ladislav Emil Berka, Henri Berssenbrugge, Oswell Blakeston, Karl Blossfeldt, Erwin Blumenfeld, Jozef Emiel Borrenbergen, George Hendrik Breitner, Erich Comeriner, Raphaël de Sélys Longchamps, Allain de Torbéchet, Marc De Blieck, Pierre Dubreuil, Alfred Erhardt, Jaromir Funke, René Guiette, Paul Edmund Hahn, Heinz Hajek-Halke, Kanbei Hanaya, Artür Harfaux, Jacques Haver, Wilhelm Heins, Florence Henri, Ewald Hoinkis, André Kertész, Willy Kessels, August Kreyenkamp, Germaine Krull, Eli Lotar, Man Ray, Etienne-Jules Marey, Laszlo Moholy-Nagy, Eadwaerd Muybridge, Aleksandr Rodchenko, Thomas Ruff, Michel Seuphor, Robert De Smet, Dominique Somers, Anton Stankowski, Julius Stinde, August Strindberg, Carl Strüwe, Maurice Tabard, Raoul Ubac, Umbo, Sine Van Menxel, Jules Vanderauwera, Bernard Voïta,…
commissaire: Steven Humblet